genèse

Le climatic painting : une féerie d’essais de peinture en espérance d’éternité

décembre 2003.

La philosophie analytique postule depuis presque trente ans, par l’intermédiaire d’Arthur Danto, son représentant le plus éminent, que l’œuvre d’art ne peut pas s’appréhender par sa seule dimension esthétique mais qu’elle est subordonnée à un paramètre déterminant qu’il appelle sa “structure d’intentionnalité”. En d’autres termes, qu’un objet issu du design mobilier, un beau paysage, ou une Harley Davidson, en tant qu’éléments séduisant notre rétine, échappent cependant à la catégorie d’œuvres d’art. La raison en est, selon lui, qu’une peinture, par exemple, à la différence des objets pré-cités, contient une somme d’informations ordonnées par l’émetteur souhaitant nous donner un point de vue singulier sur le monde. En bref, que toute œuvre d’art est un commentaire personnel sur l’existant.

A prendre cet argument doctrinal au pied de la lettre, climatic painting n’aurait jamais pu voir le jour en tant que projet artistique, pour la bonne raison que notre défi est justement de remettre en cause cette structure stable qu’est la catégorie d’intentionnalité. Cette dernière supposant l’idée saugrenue “d’individu homogène” se prête mal, en effet, à la perspective qui est la nôtre de questionner la pratique picturale elle-même dans ses préjugés de discipline devant se mener en solitaire et à l’abri des regards. Quand on sait, par ailleurs, la place déterminante qu’occupe l’idée de maîtrise dans cette approche doctrinale de Danto, nous ne pouvons que nous en dissocier, car l’esprit vitaliste, dyonisiaque et hédoniste qui a présidé à la naissance du climatic painting est justement celui de la non-maîtrise. Un mot pourrait caractériser l’ambition de notre projet : l’aventure.

D’une séance à la suivante, les contraintes imposées aux participants, selon un protocole aléatoire, évoluent selon des modalités relevant du contexte spécifique de la soirée (thématique d’actualité, musiciens invités, rencontres fortuites, ambiance, climat généré par la chimie des êtres en présence). Cette manière de procéder permet d’évacuer toute tentation de fermer le travail d’exécution sur des contraintes préprogrammées dans le temps. L’ennemi du projet : la cohérence. Climatic painting vise à poser les bases d’une pratique non-assignable à résidence dans les conventions actuelles d’un art tourné prioritairement vers le sens. Plutôt que de le qualifier de contemporain, nous préférons les termes plus explicites de "l’art à contre-temps", de "l’art content pour rien" et de "l’art comptant pour rien". C’est dire si nous sohaitons nous dissocier de l’esprit de sérieux, et si nous nous inscrivons d’emblée dans une tradition ludique.